KTQ – En quel Dieu croyons-nous ? (1)

Qu’est-ce que « dieu » ?

1- Pour Platon, le concept « dieu » désigne le « principe anhypothétique » – terme compliqué qui signifie le premier principe, au-delà duquel la raison ne peut pas remonter pour expliquer le monde. Il s’agit d’un concept philosophique, qui désigne le terme ultime d’une remontée rationnelle au fondement.

Mais le « dieu » de Platon, n’est pas celui d’Aristote, qui diffère de celui des stoïciens, de celui de Kant, de Hegel, etc. Bien des philosophes ont ainsi présenté leur conception personnelle de Dieu, le plus souvent incompatibles entre elles.

2- Si nous regardons du côté des grandes Traditions religieuses, là encore nous trouvons un grand nombre de propositions divergentes, qui cette fois ne sont plus le fruit d’un travail rationnel (comme dans le cas du dieu des philosophes), mais plutôt l’expression d’une intuition concernant l’origine et la fin (c’est-à-dire le sens) de la vie, fruit d’une longue recherche spirituelle de sages, au prix d’un certain retrait du monde et d’efforts ascétiques.

3- Il est donc important de préciser de quoi nous parlons lorsque nous usons du terme « dieu ». Nous essayerons de le découvrir en parcourant quelques passages des Ecritures, c’est-à-dire du recueil de 73 ouvrages qui composent la Bible, que nous considérons comme inspirée par l’Esprit Saint.

L’image de Dieu que nous découvrirons, n’est donc pas le fruit d’une réflexion humaine, ni même le fruit de la méditation d’un ou de plusieurs sages ou mystiques, mais elle nous est révélée par Dieu lui-même, qui inspire les hagiographes (on désigne par ce nom les auteurs inspirés de la Bible) de manière à ce qu’ils parlent de Lui « en Esprit et vérité » (Jn 4,23).

Cette Révélation culmine dans l’Incarnation Rédemptrice, lorsque le Fils de Dieu lui-même, son Verbe éternel, prend chair de notre chair pour venir nous rencontrer dans une humanité semblable à la nôtre (sauf le péché), s’entretenir avec nous, et finalement nous rendre participants de sa propre nature divine en nous donnant part à son Esprit filial. Nous parlons du mystère de Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, point d’aboutissement de notre parcours.

Mais avançons pas à pas, comme le Seigneur nous en donne l’exemple dans son cheminement avec l’humanité tout au long de l’histoire du salut…

Le Dieu de la création

1- Le premier livre de la Bible se nomme la « Genèse ». Relisons le chapitre 1 du verset 1 jusqu’au chapitre 2, verset 4 (Gn 1,1 – 2,4).

Ne prenons pas ce récit au pied de la lettre : ce poème majestueux emprunte ses images aux représentations de l’époque ; son but n’est pas de nous donner un traité de cosmogonie. Il nous parle plutôt de l’initiative divine aux origines, et de la relation que Dieu désire instaurer avec ses créatures, en particulier avec l’homme et la femme, placés au sommet de l’ordre créé.

2- Nous aurons remarqué que le monde sorti des mains de Dieu – ou plutôt qui surgit du néant à mesure qu’il l’appelle à l’existence par sa Parole – est à plusieurs reprises déclaré « bon » et même « très bon » par Dieu lui-même. Nous verrons que le chapitre 3 va jeter l’ombre du péché sur cette création originelle ; mais restons pour le moment à cette affirmation d’un Dieu qui crée par sa Parole, prononcée dans le souffle de son Esprit.

3- Croire en un Dieu créateur c’est affirmer que le monde reçoit son existence d’un Autre, qui est l’Être absolu, Celui qui était, qui est et qui sera toujours, d’éternité en éternité. Il ne reçoit son existence de nul autre : il est « causa sui », c’est-à-dire qu’il est à lui-même l’unique cause de sa propre existence.

La seule « définition » (si nous pouvons parler ainsi) de Dieu dans la Bible, se trouve sous la plume de Saint Jean : « Dieu est amour (agapé) » (1 Jn 4,16). Il est l’éternel acte d’amour, c’est-à-dire de don de soi, que Jésus nous invitera à nommer « Père » (Mt 6,9).

Toutes les créatures participent de manière finie, limitée, imparfaite à l’Être infini, illimité, parfait de Dieu en dehors de qui rien ne peut exister.

C’est en ce sens que St Augustin nous dit qu’il y a des « vestiges de Dieu » (vestigia Dei) en toutes choses créées. Cependant, parmi les innombrables créatures, l’être humain est le seul à être créé « à l’image de Dieu » – c’est-à-dire capable lui aussi d’aimer, de se donner ; ce qui suppose qu’il est doté de conscience de soi, d’intelligence, de volonté, et de la libre disposition de soi.

Créé ainsi « à l’image de Dieu », chacun de nous est appelé à cheminer vers la « ressemblance », en mettant en œuvre cette capacité d’aimer qui nous distingue de toutes les autres créatures, et constitue notre mission propre au sein de toute la création.