Voilà quatre mois déjà que j’assume la charge curiale des deux paroisses que notre Archevêque m’a confiées : Saint Martin de la Coquillade et ND des Lumières. La tâche est immense, vous me l’avez dit et répété ; mais cette situation reflète hélas la situation de l’Église en pays d’Hérault. N’oublions pas que d’après les statistiques, nous sommes parmi les régions les plus déchristianisées de France et un des diocèses où la pénurie de prêtres se fait le plus ressentir. En 1950 le département de l’Hérault comptait (environ) 500.000 habitants et 400 prêtres ; aujourd’hui, le nombre d’habitants a doublé et nous n’avons plus que 135 prêtres, dont la majorité a dépassé les 75 ans. Si Mgr Carré m’a demandé d’assurer également la charge de ND des Lumières, c’est tout simplement parce qu’il n’a pas de prêtre à y envoyer.
Et nous ne sommes pas un cas isolé : lors du départ du P. Bernard Laurent, celui-ci n’a pas été remplacé, mais sa paroisse a été répartie entre les curés des deux paroisses limitrophes. Idem à Béziers.
Certains d’entre vous ont exprimé leur regret que je sois moins présent sur Saint Martin ; de fait je célèbre une messe dominicale de moins que l’an passé et croyez bien que je suis le premier à en souffrir : j’ai autant que vous besoin de ces moments de célébration pour fortifier notre communion.
Mais outre cette unique Eucharistie dominicale en moins, j’ai gardé intégralement tous mes engagements sur Saint Martin, comme vous avez pu le constater (sauf un seul, qui me tenait pourtant beaucoup à cœur et qu’il me coûte d’avoir dû lâcher : la visite des malades à domicile).
J’ajoute que fort heureusement, je ne suis pas seul sur Saint Martin : avec le P. Jean-Pierre Wronski, nous sommes parvenus à maintenir une messe par région chaque week-end, ce qui de nos jours, est un rythme confortable.
Certes il y aura des moments délicats à gérer : je pense notamment aux Temps Forts de Noël et de Pâques où j’aurai du mal à assurer les célébrations (normalement présidées par le curé) simultanément dans les deux paroisses ; mais plutôt que de nous laisser envahir par l’inquiétude, ne devrions-nous pas tout au contraire resserrer nos rangs et être plus que jamais unis pour affronter ensemble cette situation imprévue et inhabituelle, dans un esprit de solidarité envers la communauté chrétienne de ND des Lumières, qui n’aurait plus de pasteur si je n’en avais pas accepté la charge ? Au lieu de craindre de « perdre votre curé », le Seigneur ne vous demande-t-il pas plutôt de faire corps avec lui, afin d’envisager ce qui pourrait être vécu ou gérer en commun sur les deux paroisses ?
Je suis sûr qu’à travers cette situation qui nous bouscule dans nos habitudes et nous contrarie, le Seigneur nous demande de voir plus loin, et de préparer l’avenir. Car après les temps difficiles que nous traversons, Il va nous étonner : soyons-en bien persuadés. Pour le moment Il éprouve notre fidélité et notre espérance, avant de nous surprendre par un véritable Renouveau.
En attendant, à nous d’inventer une manière de vivre ensemble notre foi et d’organiser la vie communautaire et missionnaire de notre paroisse qui tienne compte de la pénurie de prêtres.
Or cela fait maintenant trois ans déjà que Mgr Carré nous invite avec une insistance répétée, à fonder des « Fraternités missionnaires » locales. Il s’agit de communautés fraternelles qui se réunissent à leur rythme pour un temps de convivialité et de prière incluant le partage de la Parole, qui portent le souci les uns des autres et du service de la communauté paroissiale locale, tout en demeurant attentives aux appels du Seigneur pour l’annonce de l’Evangile. Ces Fraternités missionnaires ont vocation d’être de petits Cénacles qui entretiennent la flamme de l’amour de Dieu et du prochain au cœur de la vie paroissiale locale. Elles pourraient se charger de préparer les célébrations eucharistiques lorsqu’elles ont lieu dans leur clocher, s’organiser pour subvenir aux besoins de ceux qui sont en difficulté, visiter les malades, les familles en deuil, voire préparer les obsèques (moyennant bien sûr une formation à ce ministère).
Pourquoi n’essayerions-nous pas de fonder de telles Fraternités dans les différents clochers de la paroisse, ou du moins dans chaque « région » ? C’est en tout cas mon vœu le plus cher, et le souhait sous forme d’invitation que je vous adresse en cette Année Jubilaire de la Miséricorde : puissions-nous voir fleurir dans notre paroisse des Fraternités missionnaires, qui soient dans chaque clocher des « Oasis de la Miséricorde » (Pape François) !
Votre serviteur, frère, ami, et curé
P. Joseph-Marie
Lettre pastorale n°1 janvier 2016