KTQ – Un Dieu qui meurt sur une Croix (8)

Nous avons souligné combien la prétention de Jésus d’être le Fils unique de Dieu avait un caractère scandaleux : comment cet homme issu du petit village de Nazareth, peut-il revendiquer un tel statut ? Mais notre surprise est au comble lorsque nous découvrons la fin tragique de ce Rabbi ! La Croix signe-t-elle l’échec de ce prédicateur utopique que la jalousie des chefs religieux a fini par éliminer ?

Les choses ne sont pas aussi simples : on lit en effet dans les Evangiles que par trois fois Jésus a averti ses apôtres de son arrestation prochaine, de sa condamnation et de sa mort, tout en annonçant une mystérieuse « résurrection ». Mais ses proches, qui espéraient la libération du joug romain et le rétablissement de la royauté davidique sur le trône de Jérusalem, ne pouvaient pas l’entendre et faisaient la sourde oreille à ses avertissements.

Jésus n’a donc pas subi passivement sa mort : comme il le dit lui-même :

Jn 10, 17-18 : « Voici pourquoi le Père m’aime : parce que je donne ma vie, pour la recevoir de nouveau. Nul ne peut me l’enlever : je la donne de moi-même. J’ai le pouvoir de la donner, j’ai aussi le pouvoir de la recevoir de nouveau : voilà le commandement que j’ai reçu de mon Père. »

Bien plus : il a révélé le sens de sa mort – qu’il a même anticipée – dans l’institution du sacrement de l’Eucharistie :

Lc 22, 14-20 : « Quand l’heure fut venue, Jésus prit place à table, et les Apôtres avec lui. Il leur dit : “J’ai désiré d’un grand désir manger cette Pâque avec vous avant de souffrir ! ” (…) Ayant pris du pain et rendu grâce, il le rompit et le leur donna, en disant : “Ceci est mon corps, donné pour vous. Faites cela en mémoire de moi”. Et pour la coupe, après le repas, il fit de même, en disant : “Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang répandu pour vous”. »

L’Eucharistie est le « mémorial » – c’est-à-dire l’actualisation réelle – de la Passion d’amour de Notre Seigneur, qui nous rétablit dans l’Alliance avec Dieu son Père et notre Père :

Jn 13,1 : « Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. »

Jn 15,13 : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. »

En nous séparant par le péché de Dieu, source de tout amour et de toute vie, nous nous étions nous-mêmes condamnés à une vie insensée débouchant dans la mort. Or Jésus, le Fils du Dieu Vivant, consent précisément à descendre dans notre mort, pour y déposer le germe de sa Vie divine, que nous avions perdue en nous détournant de son Père.

Coupés du Dieu d’Amour, nous étions devenus incapables d’aimer vraiment, dominés comme nous le sommes par les passions qui nous poussent à la convoitise, l’envie, la jalousie, la volonté de puissance et de domination, la colère,… bref la violence meurtrière sous toutes ses formes.

Durant sa Passion, Jésus va précisément nous aimer d’un amour plus fort que toute cette déferlante de haine qui déchire et détruit notre pauvre humanité, afin de nous purifier dans ce Feu d’amour comme l’or au creuset, et que nous puissions à nouveau connaitre la paix et la joie d’une authentique communion dans la charité au service de la vie :

He 12,24 : « Vous êtes venus vers Jésus, le médiateur d’une alliance nouvelle, et vers le sang de l’aspersion, son sang qui parle plus fort que celui d’Abel. »

Ce qui signifie : le sang que Jésus a versé par amour pour nous, répare surabondamment pour le sang versé de tous les Abel’s de l’histoire, victimes de nos haines fratricides.

Si pour nous la mort est le signe de la victoire de la violence meurtrière, celle de Jésus est le gage de la victoire d’un amour plus grand que tous nos refus d’aimer.

Nous ne prétendons pas bien sûr « expliquer » le mystère de l’Amour Crucifié, que St Paul qualifie de Sagesse divine, plus puissante que notre folie humaine :

1 Co 1, 18.22-25 : « Le langage de la croix est folie pour ceux qui vont à leur perte, mais pour ceux qui vont vers leur salut, pour nous, il est puissance de Dieu. Alors que les Juifs réclament des signes miraculeux, et que les Grecs recherchent une sagesse, nous, nous proclamons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les nations païennes. Mais pour ceux que Dieu appelle, qu’ils soient Juifs ou Grecs, ce Messie, ce Christ, est puissance de Dieu et sagesse de Dieu. Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes.»

En contemplant la Croix dans la lumière de l’Esprit d’amour, nous pressentons que paradoxalement, la Croix est le lieu où resplendit pleinement la gloire de Dieu ; qu’elle est le lieu où il nous révèle en vérité qui il est : le Père de tendresse qui a envoyé son Fils « rassembler dans l’unité ses enfants dispersés » (Jn 11,52) par une sombre nuit de péché :

Jn 3, 14-17 : « De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle. Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. »

Mais bien sûr la mort de Jésus n’est pour nous « Bonne Nouvelle » qu’à la lumière de notre participation à sa Résurrection du matin de Pâques – qui fera l’objet de notre prochaine méditation.