Catégorie : Réponses à vos questions

Q/R-Le symbole du pain sans levain

Dans le livre de l’Exode, le pain sans levain est un symbole pour exprimer la sortie « en hâte » de l’Egypte, sans avoir eu le temps de laisser monter la pâte : Ex 12,34 : « Le peuple emporta la pâte avant qu’elle n’ait levé : ils enveloppèrent les pétrins dans leurs manteaux et les mirent sur leurs épaules. »

Auparavant, ce pain sans levain appartenait à un rituel agraire. Le levain était préparé à partir du pain de la moisson de l’année précédente. Au moment de la nouvelle moisson, on devait éliminer toute trace de l’ancienne moisson, ce qui conduisait à ne manger que du pain non fermenté, à défaut de levain.

Ce levain est devenu le symbole du l’orgueil (qui nous fait « gonfler ») et de l’hypocrisie (faux semblant) des pharisiens, et ainsi le symbole du péché qu’il faut éliminer pour accueillir la nouveauté de la vie dans l’Esprit :

Mt 16,6 : Jésus leur dit : « Attention ! Méfiez-vous du levain des pharisiens et des sadducéens. »

1 Co 5, 6-8 : « Frères, ne savez-vous pas qu’un peu de levain suffit pour que fermente toute la pâte ? Purifiez-vous donc des vieux ferments, et vous serez une pâte nouvelle, vous qui êtes le pain de la Pâque, celui qui n’a pas fermenté. Car notre agneau pascal a été immolé : c’est le Christ. Ainsi, célébrons la Fête, non pas avec de vieux ferments, non pas avec ceux de la perversité et du vice, mais avec du pain non fermenté, celui de la droiture et de la vérité. »

Il est normal qu’un symbole ait plusieurs sens. Le symbole donne à penser précisément en raison de sa polysémie. Il part d’une réalité connue de notre monde, pour parler de ce qui est ineffable parce qu’appartenant au monde de Dieu. Ce faisant, il ouvre sans cesse de nouveaux horizons. Mais les sens doivent bien sûr rester cohérents avec l’ensemble de la Révélation biblique.

Q/R-Pourquoi donne-t-on du vinaigre à Jésus en Croix ?

Jn 19, 28-30 : Après cela, sachant que tout, désormais, était achevé pour que l’Écriture s’accomplisse jusqu’au bout, Jésus dit : « J’ai soif. » Il y avait là un récipient plein d’une boisson vinaigrée. On fixa donc une éponge remplie de ce vinaigre à une branche d’hysope, et on l’approcha de sa bouche. Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : « Tout est accompli. » Puis, inclinant la tête, il remit l’esprit.

Comme le dit admirablement mère Térésa, Jésus a soif de nos âmes ; il a soif de nous donner le fruit de la rédemption qu’il opère pour nous. (Ce « j’ai soif » correspond bien sûr au « donne-moi à boire » (Jn 4,7) que Jésus avait demandé à la Samaritaine.)

On donnait de l’eau vinaigrée car cela étanche mieux la soif par son caractère acide. Mais bien sûr la portée symbolique est bien plus importante.

Durant le repas du seder (grand repas pascal juif), les participants mangeaient des herbes amères trempées dans du vinaigre pour signifier l’amertume du péché. Ce geste correspond à notre célébration pénitentielle en début d’Eucharistie, comme je l’explique dans la présentation du repas du jeudi saint en paroisse. En prenant le vinaigre, Jésus pose un geste liturgique : il signifie qu’il accomplit sur la croix la véritable célébration pénitentielle au nom de tout homme qui se reconnait pécheur devant Dieu.

De plus, pour être sûr que nous comprenions le sens, l’évangéliste précise qu’on lui présente l’éponge imbibée de vinaigre, sur une branche d’hysope, qui symbolise à nouveau la démarche pénitentielle, comme nous le voyons dans le Ps 50,9 : « Purifie-moi avec l’hysope, et je serai pur ; lave-moi et je serai blanc, plus que la neige« .

En trempant ses lèvres dans le vinaigre Jésus accomplit le rituel pénitentiel dont toutes les formes antérieures n’étaient que préfiguratives ; voilà pourquoi il peut proclamer : « Tout est accompli ».

Et si la grande purification de l’humanité est accomplie, il n’y a plus d’obstacle à ce que nous recevions l’Esprit Saint, ce que l’évangéliste signifie dans le verset suivant : Jésus, baissant la tête en direction de la Vierge Marie et du disciple qu’il aimait – qui représentent l’Eglise naissante et l’attitude du vrai disciple, voire le sacerdoce – il souffle sur eux l’Esprit Saint.

Saint Augustin avait en effet remarqué qu’un agonisant expire, rend le dernier souffle, puis la tête retombe. Ici c’est l’inverse : Jésus penche la tête pour pouvoir souffler son Esprit sur ceux qui sont au pied de la Croix. Symboliquement l’évangéliste veut nous signifier que Jésus ne meurt pas, mais qu’il vit dans ceux qui l’aiment par le don de son Esprit. Il anticipe en quelque sorte la Pentecôte au pied de la Croix pour signifier que l’Esprit de Pentecôte est bien l’Esprit de Jésus Christ : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Jn 15,13).

Q/R-Peut-on tout pardonner par amour ?

La réponse est « oui », mais il faut préciser.

Distinguons d’abord le pardon de l’excuse.

« Je vous prie de m’excuser » sous-entend que nous pouvons justifier que notre acte n’était pas mal intentionné. Dès lors la personne qui a subi le tort, est tenue, en toute justice, de nous excuser.

Si l’excuse concerne uniquement les actes que l’on peut justifier, il ne reste que le pardon pour dépasser les actes  injustifiables.

Il est clair que nous ne sommes plus dans l’ordre de la justice au sens où nous l’entendons habituellement (à savoir : rendre à chacun ce qui lui est dû), mais dans l’ordre de la pure gratuité, puisque je n’ai aucune obligation de pardonner un acte injustifiable.

Cette pure gratuité est précisément ce qui caractérise l’ordre de la charité surnaturelle.

Lorsque Jésus nous invite à aimer nos ennemis, il nous commande d’aimer ceux qui nous font du tort, et donc ne nous rendent pas notre amour. Cet amour que nous sommes supposés leur donner est dès lors totalement gratuit. Le pardon, qui nous fait pardonner gratuitement une faute injustifiable, est du même ordre.

En sommes-nous capables ?

Les philosophes nous répondent par la négative. Aristote déjà considérait que l’amour d’amitié ne subsiste que lorsqu’il est réciproque, et qu’il cesse dès que l’un des partenaires ne rend pas l’amour dont il est bénéficiaire. Autrement dit, nous sommes naturellement incapables d’une telle gratuité.

C’est bien pourquoi Jésus précise que c’est en raison de notre filiation divine dans l’Esprit Saint qu’il peut nous commander d’aimer nos ennemis et de pardonner à ceux qui nous ont offensés : « Eh bien ! moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, il fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. En effet, si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5, 44-48).

Si le chrétien est « né d’eau et d’Esprit » (Jn 3,5), son comportement devrait se caractériser par la gratuité de l’amour, qui s’exprime dans le pardon et l’amour de l’ennemi.

Q/R-L’amour est-il le socle de l’humilité ?

Chère Emmanuelle,

Merci pour cette très belle question !

Pour St Paul, l’humilité consiste dans la capacité à considérer l’autre plus méritant que soi : « Ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes » (lettre aux Philippiens, II,3). La parole de Jésus : « Je suis doux et humble de cœur » (Mt 11,29) n’en est que plus étonnante : Jésus nous considère-t-il comme « supérieur à lui » ? Nous voilà au cœur du mystère de l’humilité ! Seul l’amour divin de charité peut justifier une telle affirmation. C’est bien ce que dit l’évangile de Jean : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle » (Jn 3,16).

C’est par amour que le Fils de Dieu s’est abaissé jusqu’à nous, par amour qu’il « s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes« (Ph 2,7), par amour « qu’il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix » (Ph 2,8), afin que le Père puisse nous relever avec Lui au matin de Pâques et « nous rendre participants de la nature divine » (2 P 1,4).

On imagine mal un amour orgueilleux, qui considère d’en-haut les personnes aimées, les traite comme inférieures. Nous pressentons que l’amour vrai se met au niveau de l’être aimé, bien plus : descend plus bas que lui, afin de ne pas l’humilier, mais au contraire de le mettre en valeur. Aussi lorsque Dieu, l’Acte de charité infini, nous dit son amour, il s’abaisse, s’anéantit, s’humilie pour nous donner part à sa gloire.

Je crois en effet qu’il n’y a pas d’humilité vraie sans amour. C’est l’amour qui ouvre nos yeux à la beauté de l’autre et met dans notre cœur le désir de nous mettre humblement, gratuitement à son service. L’humilité qui ne procède pas de l’amour, risque d’être servile, ce qui est la caricature de l’humilité.

L’humilité vraie se reconnait à cette lumière qui l’illumine de l’intérieur, et procède d’un cœur qui aime.

L’humilité vraie est paisible et joyeuse car elle procède de l’Esprit d’amour.

L’humilité est la marque de ceux qui ont accueilli la vraie liberté, celle que Jésus nous donne en partage dans l’Esprit, lui « qui n’est pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Mc 10,45).

Q/R-Jésus Roi des Juifs ?

Chère Stéphanie,

Vous vous étonnez que Jésus soit nommé « Roi des Juifs« , alors que le religion chrétienne n’est pas la même que celle des Juifs.

La référence est Mc 15, 1-15 (évangile de St Marc, chapitre 15, les 15 premiers versets). Les Juifs veulent faire condamner Jésus à mort, mais ils n’ont pas le pouvoir d’exécuter un prisonnier. Ils vont donc livrer Jésus à Pilate, le gouverneur romain, en l’accusant d’une subversion politique : si Jésus est « Roi des Juifs » il menace le pouvoir d’Hérode, que l’occupant romain à mis sur le trône ; il trouble donc l’ordre public et doit être mis hors d’état de nuire.

Pilate sait que Jésus est livré par jalousie des chefs religieux qui cherchent un prétexte pour se débarrasser de lui ; mais par opportunisme politique (par lâcheté), il cède à la demande des Juifs et condamne Jésus à la crucifixion.

La question subsiste : Jésus est-il le Roi des Juifs ?

Oui mais pas au sens politique ; Jésus est le Messie attendu, le Christ annoncé par les prophètes, bien plus : le « Fils du Dieu Béni » (Mc 14,61) selon les termes utilisés par le Grand Prêtre au cours de son interrogatoire. Jésus lui répond : « Je le suis. Et vous verrez le Fils de l’homme siéger à la droite du Tout-Puissant, et venir parmi les nuées du ciel » (Mc 14,62). Cette réponse est considérée comme blasphématoire par le Grand Prêtre, qui y voit un motif de condamnation à mort, car il ne croit pas à la messianité de Jésus.

Or le Messie attendu serait Prophète et Roi. Jésus est donc bien le Roi des Juifs au sens spirituel, religieux du terme. Il n’est d’ailleurs pas seulement le Roi des Juifs, mais « le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs » selon la citation du livre de l’Apocalypse, chapitre 19, verset 16 (Ap 19,16), exprimant ainsi sa royauté universelle.

Vous avez dès lors raison de dire que la religion chrétienne est différente de celle des Juifs, puisque les Juifs ne reconnaissent pas que Jésus est « le Christ, le Fils du Dieu vivant » (selon la confession de St Pierre en Mt 16,16, approuvée par Jésus), le Seigneur et Sauveur universel, le seul par qui nous puissions connaitre Dieu (le Père) en « Esprit et vérité » (Jn 4,23) : « Tout m’a été remis par mon Père ; personne ne connaît le Fils, sinon le Père, et personne ne connaît le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler » (Mt 11,27).

P. Joseph-Marie

Q/R-Les prières de l’Abbé Julio

Chère Constance,

Certaines prières de l’Abbé Julio sont effectivement très belles, mais le problème est plutôt du côté de leur utilisation.

Le recueil des prières de l’Abbé Julio est le vade mecum de tous les occultistes, qui utilisent ces prières comme des formules magiques particulièrement efficaces !

Bien sûr un tel usage n’a rien à voir avec l’humble demande adressée à Dieu, dans l’abandon à sa volonté bienveillante qui sait mieux que nous ce qui nous convient.

Il s’agit plutôt d’un rituel, garanti efficace si vous respectez la procédure, qui tire son efficacité de sa puissance occulte.

Vous me direz que l’on peut prier ces oraisons dans un autre contexte et avec une pieuse intention, mais vous parlez vous-même des 44 pentacles : la définition du pentacle est claire : il s’agit d’une amulette de protection, utilisée dans les invocations magiques ; il est fait en général en parchemin, sur lequel le symbole de l’esprit ou de l’entité invoqués est dessiné.

Vous avouerez qu’il n’y pas grand chose de chrétien dans cette démarche magique !

Je crois qu’il y a suffisamment de très belles prières chrétiennes, pour ne pas puiser dans ce rituel magique.