Écrire dans le silence d’une église
Enquête policière pour certains, un air de compte-rendu,
poésie et mysticisme pour d’autres.
La diversité des histoires et des styles, c’est la richesse d’un atelier d’écriture.
Détective privé en vacances, je m’intéresse à une histoire, vieille d’un demi- siècle.
Comme certains Thézanais, j’aimerais en savoir plus…
C’était une grande bâtisse, qui avait appartenu à la Famille Flourens. Cette demeure avait été vendue ou cédée au clergé.
A l’origine de mon histoire, cet établissement était tenu par des religieuses qui avaient mis en place un hôpital ou du moins un auspice. Sur le perron de cet établissement, trônait une grande saga familiale, en bronze, souvenir de cette grande famille, composée du père, de la mère et des enfants.
Et voici l’énigme !!! Par une belle journée d’automne, des villageois virent, chargée dans un grand camion, et en partie recouverte par un drap, toute la famille en bronze, déboulonnée de son piédestal. Ces mêmes villageois apprirent que les statues en question devaient servir à la fabrication d’une cloche, pour l’église St Pierre St Paul, de Thézan.
Cinquante ans après, il n’y a plus de sculptures mais pas de cloches non plus !
Le détective privé qui est en moi se met en route. Un petit tour à l’église de ce beau petit village, et me voici, par une chaude journée d’été, face à un portail en bois massif, solidement tenu par des croisées en fer forgé. Ce travail du moyen âge, avait dû demander une énergie et un art, comme seuls savaient le faire les artistes ferronniers.
Passé le portail, je pénètre dans un sas qui, lui, n’est pas d’époque. Mais c’est malgré tout un lieu entre le bruit et le silence. La fraîcheur et la pénombre, bienvenues en cette journée caniculaire, m’envahissent de quiétude. J’en oublie le détective, et le mystère.
Chacun de mes pas résonne sur les dalles de ciment gris, et soudain mon esprit vagabonde, des notables sont enterrés là ! Mais où là ? Je m’immobilise, ne sachant plus très bien comment avancer vers le chœur de l’église, sans manquer de respect pour leur sépulture. Pour parer à cette éventualité, je m’assieds sur un beau banc ciré, face à l’autel. J’admire cet édifice.
L’église de style roman datant de 1290, maintes fois agrandie, se voit dotée de voûtes, en style roman languedocien. Sûrement une façon détournée pour résister au gouvernement du nord qui gérait la France. Nos languedociens savaient se montrer diplomates en construisant du gothique à leur façon !
La beauté simple du lieu me porte à la méditation. Pêle-mêle, les odeurs de bois ciré, de renfermé, de bougies allumées et porteuses de toutes les prières passées et à venir m’envahissent.
A gauche de la nef, sur l’autel qui lui est dédié, la Vierge Marie sourit. En bois doré à l’or fin, elle porte l’enfant Jésus dans ses bras. Combien de croyants, au fil des siècles, sont venus lui porter le poids de leur chagrin, Prier pour la Paix, cette Paix si fragile. Ils sont venus prier leur Seigneur, Dieu d’Amour et de miséricorde. Humbles, sans prétention, dans cette petite église de province, loin du faste de ces cathédrales orgueilleuses, écrasantes d’or et de vermeil.
Soudain un bruit sec, un craquement, me font sursauter. Où suis-je ?
Ah oui ! Les statues de bronze ou une cloche !
Il faudra fureter ailleurs ! Je ferme les yeux, je suis bien.
Derrière moi, face à l’entrée, la statue de St Antoine de Padoue dressée sur une stèle, domine.
Une vieille croyance raconte que, si vous lui demandez de vous faire retrouver un objet perdu, il vous donnera un indice.
En merci, n’oubliez pas de glisser un petit billet dans le tronc scellé au mur à cette intention.
Vrai, faux, un peu comme ces bustes, cette cloche.
Chacun, au fil des siècles, contribuera un peu à propager cette histoire.
Du suspense… pour une mission bien spéciale. La suite est en cours…
Mission dans une église.
J’ai toujours été impressionné par les portes des églises, et celle de Thézan, bien centrée sur une façade de pierres de tailles sans autre ouverture, ne déroge pas à la règle. Les dimensions, surtout le façonnage du bois et le travail du fer me laissent rêveur ; j’ai une pensée d’admiration pour les artisans auteurs de ces œuvres d’art. En poussant cette énorme pièce de bois et de fer forgé de 4 m de haut, je m’attends à un grincement. Que nenni, le curé devait être bricoleur, graisser les gongs et huiler les serrures régulièrement.
Après avoir passé le sas d’entrée, je pénètre dans les lieux. Je marche sur la pointe des pieds de peur de troubler le silence glacial des lieux. Bien, je suis en place, à moi de chercher au bon endroit, et les endroits pour dissimuler ce que je cherche, ne manquent pas dans une église. Avant de me lancer, j’examine l’édifice, il est de taille moyenne dans un style roman, les plafonds arrondis se situent à près de 12 m, pas commode s’il faut aller fouiller derrière les tableaux suspendus à 6 m de hauteur. Je verrai. Ce premier coup d’œil me permet d’évaluer rapidement les endroits à éviter, je décide de commencer et de découvrir au fur-et-à mesure. Vu ce que je cherche, il y a des endroits inadéquats, et le chœur avec son hôtel sobre : une pièce de marbre rectangulaire posée sur ce que l’on peut prendre pour un tronc d’olivier, coupé à hauteur d’une table de cuisine, n’est certainement pas une cachette pour ce que je veux trouver. Les rangées de bancs, dans un bois relativement récent ne présentent pas d’intérêt. Un vieux confessionnal attire mon attention, un coup d’œil à l’intérieur et j’y découvre une petite échelle poussiéreuse et pleine de toiles d’araignées. Je me dis que la dernière âme qui a confessé ses pêchés à genoux dans ce cagibi ne devrait plus avoir mal aux dents. Je prends ma trouvaille, que je pose contre la façade de droite en face de la première rangée de bancs avec l’intention de scruter l’arrière de chaque tableau. Ceux que j’ai devant moi montrent, d’après ce que j’ai appris dans les cours de catéchisme, les différentes étapes du Chemin de Croix de Jésus Christ. Mon idée est d’essayer de faire bouger chaque tableau pour éventuellement découvrir derrière l’un d’eux une cavité suffisamment grande pour y poser l’objet de mes recherches. J’en suis à ma quatrième ascension de la petite échelle lorsqu’un bruit, énorme, assourdissant, me fait bondir, et du 8e échelon je me retrouve au 2e sans savoir comment. Je souffle, j’ai échappé à la chute. Le son sourd se propage, tourne et retourne après avoir cogné dans tous les angles des murs. C’est macabre, j’imagine le couvercle d’une pierre tombale mal ajusté qui retombe sur le squelette qu’elle contient. Heureusement qu’un squelette ça ne crie pas. On m’a dit qu’il y avait des familles entières enterrées sous les fondations de l’église ! Effrayant, j’ai le cœur qui bat la chamade. Je pense à Hitchcock et à Agatha Christie en même temps. Je me remets tant bien que mal et je remonte sur mon dernier échelon, sans savoir d’où vient ce tintamarre. Je continue à faire glisser chaque œuvre joliment encadrée sans rien découvrir si ce n’est, à chaque fois, un nuage de poussière sur les épaisses moulures des cadres en plâtre doré à l’or fin. A voir l’épaisseur de la couche je pense que la femme de ménage doit avoir le vertige. J’ai ‘’visité’’ les 14 tableaux sans succès. Il me reste un quinzième, énorme, il fait 3 m sur 2, il est accroché à 6 m de hauteur. Avec mes huit échelons, inutile d’y penser. Sainte Germaine, puisque c’est elle qui est représentée sur ce tableau, caressant ses brebis, je la regarde droit dans les yeux et à voix haute je m’adresse à elle : « Germaine, si tu me vois, fais-moi un signe parce que jamais je ne pourrais t’approcher ! » Elle a dû m’entendre parce que, en examinant attentivement le tableau pendant que j’attends sa réponse, je remarque qu’il repose par le bas sur deux pitons, alors que le haut est attaché par une cordelette tendue qui font que l’ensemble est suffisamment détaché du mur pour me permettre de voir, avec mes petites jumelles que j’emporte toujours en mission, qu’il n’y a pas de cavité derrière Sainte Germaine. Cette brave fille ne m’aurait pas fait une entourloupe pareille après s’être sacrifiée dans la guéguerre qui opposait les cathos aux protestants au 15e siècle, à l’époque où Thézan, qui était protestant, se faisait bombarder par les catholiques de Corneilhan. Je n’ai pas trouvé d’alcôves dans les murs de cette église, ni derrière les tableaux que j’ai tous examinés, ni ailleurs. Je continue mes recherches, en me dirigeant vers la gauche et je sens un regard sur moi. J’ai cette faculté, lorsqu’une paire d’yeux me fixent, je sens un chatouillement dans les sourcils. Je me retourne et je découvre ce que je n’avais pas vu en entrant, un escalier, avec sur la troisième marche la statue de Jeanne d’Arc, et dans son visage sculpté, ses yeux me fixent. Je ne sais ce qu’elle vient faire ici, mais son regard en dit long. Je m’approche d’elle et je touche sa cote de maille, je lui tapote l’épaule, c’est froid, mais, ouf, ça sonne creux. Je hasarde un coup d’œil en soulevant la visière de son casque de fer pour me rassurer. On ne sait jamais. Je continue à monter les marches et me trouve nez-à-nez avec une porte en chêne clair, petite et simple. Je tente de l’ouvrir, elle est hélas fermée à clefs. Déçu, je pose mon pied sur l’avant dernière marche pour redescendre, et boum… Encore un vacarme assourdissant… ce n’est que le craquement de la marche en bois de chêne, mais dans ce lieu où le moindre bruit est tellement amplifié par la réverbération naturelle, que même un frottement d’aile de mouche peut faire peur. Je repasse devant Jeanne, indifférente, sans savoir vers quoi je vais pouvoir orienter mes recherches. Arrivé au bas des marches, je découvre la statue de Saint-Roch que j’avais occultée en entrant. Et là…
!!!
En assistant à une conférence, nous étions loin de penser que c’était le début d’une aventure. Nous avons appris que la statue en bronze qui ornait l’entrée de l’ancien hôpital avait disparu.
Les uns disaient qu’elle avait servi lors de la refonte de la cloche de Thézan, mais des bruits couraient qu’elle avait disparu sans laisser de traces et qu’il fallait relancer les recherches. Nous avons donc décidé, un peu légèrement, de résoudre ce mystère.
Les archives de la ville ne nous ont pas apporté l’eau espérée à notre moulin, il ne nous restait qu’à nous rendre à l’église de Thézan, à l’origine du drame. Le chœur de celle-ci était au départ une chapelle castrale qui avait été agrandie pour devenir l’église paroissiale pour remplacer les deux petites églises dédiées respectivement à St Pierre et St Paul. Le ciel était gris, il pleuvait à verses et le vent soufflait en bourrasques, c’est donc avec soulagement que nous sommes entrés dans l’église.
Celle-ci était plongée dans une semi-obscurité, éclairée seulement par la lueur vacillante de quelques cierges allumés par des fidèles et la lumière qui filtrait parcimonieusement par les vitraux colorés ; les statues semblaient nous observer sans bienveillance et la Chaire de vérité, coiffée de sa haute tour, paraissait bien menaçante. Nous imaginions aisément les drames et les moments heureux qui s’étaient déroulés entre ces murs.
Nous avons risqué l’ascension périlleuse vers le clocher par un escalier de moins en moins large et de plus en plus raide. Le vent nous fouettait le visage et, de plus, l’examen du clocher en question ne nous a rien appris d’intéressant. Perplexes et frigorifiés, nous sommes redescendus mais il y a parfois des hasards heureux !
Une paroissienne qui égrainait son chapelet nous a entendus et apparemment heureuse de trouver un auditoire nous a rejoint. C’était une femme plutôt âgée mais qui semblait parfaitement au courant de l’histoire et des petites histoires du village et de son église.
Elle nous faisait aussi remarquer l’exposition de photos montrant le projet de restauration qui allait complètement modifier l’aspect des lieux. Les peintures de style byzantin nous semblaient sortir en droite ligne de la cathédrale de Cordoue, ce qui, à notre avis, était « un peu trop » dans une église aux dimensions plus modestes, et enlèverait une partie du côté sacré incitant à la prière et au recueillement essentiel dans une église.
Cela plaira sans doute aux éventuels touristes de passage. Ces explications fort intéressantes nous avaient fait oublier, pendant quelques instants, le but de notre visite sans nous apporter les renseignements espérés pour nos recherches.
Que faire, où trouver la clé du mystère ? Peut-être se cache-t-elle à la fonderie où la statue aurait pu être liquéfiée ? Nous mettrons donc prochainement le cap sur Hérépian et nous vous tiendrons au courant du résultat de nos recherches… dans un prochain numéro !
De rénovation en résurrection ?
En l’église Saint-Pierre Saint-Paul
A Thézan-les-Béziers,
Un monde de silence et de paix.
Au-dessus de la porte d’entrée
Sainte Germaine au sourire équivoque
A, dans son tablier, des roses éparpillé
Sans dévoiler son secret.
Les stalles en bois sculpté
De son chœur arrachées
Au fond de l’église reléguées
Attendent sagement leur revanche.
Les murs mis à nu
Saignent d’un blanc sale
Autour d’une table sans âme.
Les Saints aux pieds d’argile
De leur socle détrônés
Ont perdu leur patine.
Dans son cadre doré
Jésus, sur une toile, figé,
N’en finit pas d’expier nos péchés.
La croix, de ses épaules,
A ses pieds a glissé.
Une main secourable sur son trajet
L’a réconforté.
Quelques seigneurs oubliés
Ont, dessous le béton glacé,
Élu leur dernière demeure
A jamais…
De restauration en rénovation
pour une hypothétique résurrection,
De supputations en expectations,
D’ houleuses discussions en âpres négociations,
Au fil des siècles, à chaque nouveauté,
L’église a résisté et conserve sa Liberté.
CŒUR A CHŒUR AVEC L’ÉGLISE DE MON VILLAGE
La côte est rude pour arriver jusqu’à toi ! Silencieuse et tranquille sur le toit de Thézan, indifférente, drapée dans la loyauté de tes murs, tu sembles sourde aux commérages et grincements de ce village bougon, si séduisant il y a peu de temps pourtant, enroulé autour de toi dans ses parfums de sud et sa ceinture de vignes !
Fidèle à ton histoire secrète, tu te concentres sur ton chœur, tes vitraux et tes saints de plâtre coloré ; tes portes sont closes sur l’Esprit qui t’habite… pourtant que de bagarres intestines, de mensonges et d’ironie dans tes flancs ! Les hommes se sont servis de toi pour déchaîner haines, rancœurs, entre eux et avec les villages voisins !
Sur tes murs, les crucifix, les martyres et les souvenirs cruels de la passion du Christ, tentent de retenir la vieille religion, l’égrégore des lamentations et des prières volontaristes alors que tu inspires douceur, paix et abandon de l’ego…
Sur un vitrail de pourpre et d’émeraude, l’Archange Michaël et Sainte Eugénie ont beau brandir leur épée pour trancher les croyances qui génèrent la peur, il semble que l’épais sommeil des décades de soumission pèse encore sur tes pavés ternis.
DIEU soit loué, ton cœur bat lentement dans la grotte du tabernacle, sans jamais s’affoler, il attend l’heure du réveil et son rythme solennel ne compte ni les jours ni les siècles ; fidèle à l’Esprit du lieu, il égrène comme sur un chapelet toutes les sincérités, tous les élans de foi, tous les gestes d’Amour vrai, sans jugement, sans impatience, il laisse tourner la roue du temps et écoute dans l’équanimité le pas lourd des hommes, les chants des enfants et prend en lui leurs douleurs et leurs espérances. Au fil des années, il contemple les consciences qui s’éveillent, présageant un monde différent…
A celui qui arrive mains et cœur ouverts, tu épargnes les apparences d’idolâtrie et les stigmates des sermons moralisateurs, tu gommes l’apitoiement sur les visages pieux et tu révèles en filigrane le visage d’un CHRIST GLORIEUX qui éclabousse de Lumière ton lieu… qui incite à la méditation, à la contemplation et au silence vibrant de l’Âme.
Attends encore, je t’en prie, demeure immuable et peut-être bientôt verrons-nous ensemble se lever le Nouveau Jour du Monde !
« Articles anonymes, recueillis par madame Christiane Chouchane »