Jn 19, 28-30 : Après cela, sachant que tout, désormais, était achevé pour que l’Écriture s’accomplisse jusqu’au bout, Jésus dit : « J’ai soif. » Il y avait là un récipient plein d’une boisson vinaigrée. On fixa donc une éponge remplie de ce vinaigre à une branche d’hysope, et on l’approcha de sa bouche. Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : « Tout est accompli. » Puis, inclinant la tête, il remit l’esprit.
Comme le dit admirablement mère Térésa, Jésus a soif de nos âmes ; il a soif de nous donner le fruit de la rédemption qu’il opère pour nous. (Ce « j’ai soif » correspond bien sûr au « donne-moi à boire » (Jn 4,7) que Jésus avait demandé à la Samaritaine.)
On donnait de l’eau vinaigrée car cela étanche mieux la soif par son caractère acide. Mais bien sûr la portée symbolique est bien plus importante.
Durant le repas du seder (grand repas pascal juif), les participants mangeaient des herbes amères trempées dans du vinaigre pour signifier l’amertume du péché. Ce geste correspond à notre célébration pénitentielle en début d’Eucharistie, comme je l’explique dans la présentation du repas du jeudi saint en paroisse. En prenant le vinaigre, Jésus pose un geste liturgique : il signifie qu’il accomplit sur la croix la véritable célébration pénitentielle au nom de tout homme qui se reconnait pécheur devant Dieu.
De plus, pour être sûr que nous comprenions le sens, l’évangéliste précise qu’on lui présente l’éponge imbibée de vinaigre, sur une branche d’hysope, qui symbolise à nouveau la démarche pénitentielle, comme nous le voyons dans le Ps 50,9 : « Purifie-moi avec l’hysope, et je serai pur ; lave-moi et je serai blanc, plus que la neige« .
En trempant ses lèvres dans le vinaigre Jésus accomplit le rituel pénitentiel dont toutes les formes antérieures n’étaient que préfiguratives ; voilà pourquoi il peut proclamer : « Tout est accompli ».
Et si la grande purification de l’humanité est accomplie, il n’y a plus d’obstacle à ce que nous recevions l’Esprit Saint, ce que l’évangéliste signifie dans le verset suivant : Jésus, baissant la tête en direction de la Vierge Marie et du disciple qu’il aimait – qui représentent l’Eglise naissante et l’attitude du vrai disciple, voire le sacerdoce – il souffle sur eux l’Esprit Saint.
Saint Augustin avait en effet remarqué qu’un agonisant expire, rend le dernier souffle, puis la tête retombe. Ici c’est l’inverse : Jésus penche la tête pour pouvoir souffler son Esprit sur ceux qui sont au pied de la Croix. Symboliquement l’évangéliste veut nous signifier que Jésus ne meurt pas, mais qu’il vit dans ceux qui l’aiment par le don de son Esprit. Il anticipe en quelque sorte la Pentecôte au pied de la Croix pour signifier que l’Esprit de Pentecôte est bien l’Esprit de Jésus Christ : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Jn 15,13).