Voilà une question pertinente, car en effet, si Caïn et Abel étaient les deux seuls enfants du premier couple, d’où peut bien sortir l’épouse de Caïn ?
Si l’auteur biblique inclut de tels propos dans son récit, c’est précisément pour éviter que nous en fassions une interprétation trop littérale.
Les premiers chapitres du livre de la Genèse ne nous proposent pas un récit historique de l’acte créateur. Par définition, il ne peut y avoir de témoin de la création !
Les deux premiers chapitres nous parlent du projet que Dieu portait dans son cœur en créant le monde, de la place et de la mission de l’homme au sein de la création, du rapport que Dieu voulait entretenir avec lui.
Le troisième chapitre nous « raconte » comment l’homme, créé libre, s’est laissé séduire par le rêve d’une autonomie absolue, et s’est séparé de Dieu. La suite jusqu’au chapitre 11 et l’appel d’Abraham, met en scène, de manière imagée, les conséquences de ce péché dit « originel »: la relation faussée de l’homme avec lui-même, les autres, et la création tout entière.
En insérant dans son récit des personnages dont on se demande bien d’où ils sortent, l’hagiographe veut nous faire comprendre que les onze premiers chapitres du livre de la Genèse nous concernent tout autant qu’Adam et Eve, prototypes de toute humanité.
Comme nos « premiers parents » nous sommes créés libres, appelés à cheminer de l’image à la ressemblance du Dieu d’amour ; mais tout comme eux nous sommes exposés à la tentation de l’autonomie, de l’affirmation de notre volonté propre, de l’oubli de Dieu.
Certes notre responsabilité est sans doute moindre vu que nous héritons d’une nature marquée par les conséquences du péché de nos premiers parents (je reviendrai sur ce point dans une autre réponse), mais nous restons néanmoins libres et appelés à résister à la tentation de la suffisance orgueilleuse, pour conduire notre vie en synergie avec la grâce divine, car « les dons gratuits de Dieu et son appel sont sans repentance » (Rm 11,29).