Le sens de l’Avent

Voici un commentaire de la liturgie de la Parole de ce 1er dimanche de l’Avent, pour nous aider à approfondir le sens de ce temps liturgique :

Di Av I (B) : Mc 13, 33-37   

1ère lect. : Is 63, 16b-17.19b ; Ps 64, 2b-7 ; 2nd lect. : 1 Co 1, 3-9

1- Avec ce premier dimanche de l’Avent, nous entrons dans cette période de quatre semaines par laquelle commence une nouvelle année liturgique, et qui nous prépare immédiatement à la fête de Noël, mémoire de l’Incarnation du Christ dans l’histoire. Le message spirituel de l’Avent est toutefois plus profond et nous projette déjà vers le retour glorieux du Seigneur, à la fin de l’histoire. Adventus est le terme latin qui pourrait être traduit par « arrivée », « venue », « présence ». Dans le langage du monde antique, il s’agissait d’un terme technique qui indiquait la visite de rois ou d’empereurs dans les provinces, et dont la venue était célébrée solennellement. En adoptant le terme d’Avent, les chrétiens voulaient exprimer la relation particulière qui les unissait au Christ crucifié et ressuscité. L’Avent signifie faire mémoire de la première venue du Seigneur dans la chair, en pensant déjà à son retour définitif dans la gloire, pour juger les vivants et les morts, comme nous le rappelait la fête du Christ-Roi. C’est pourquoi la liturgie de ce premier dimanche de l’Avent reste sous le signe de l’appel à la vigilance que nous avions entendu dimanche passé. L’exhortation est particulièrement marquée dans l’Evangile de Marc, qui martèle par trois fois : « Prenez garde, veillez ; veillez donc ; veillez ! ».

2- Remarquons bien que si le Maître, « en quittant sa maison, a donné tout pouvoir à ses serviteurs et fixé à chacun son travail », il n’a cependant recommandé cette vigilance qu’au seul « portier ». La mission particulière de celui-ci le situe dans une position singulière, à la frontière entre deux espaces :  l’intérieur et l’extérieur. Il partage certes la vie des autres membres de la maisonnée, mais son regard, son attention, sont sans cesse tournés vers l’horizon où le Maître a disparu et d’où il peut ressurgir à chaque instant. Au milieu des multiples activités quotidiennes auxquelles il prend part comme et avec tous les autres, il demeure focalisé sur cet au-delà de ce qui se perçoit immédiatement. Son regard scrute l’invisible et son cœur veille. Il sait que sa mission à lui, c’est d’accueillir le Maître sans le faire attendre ; de le recevoir au nom de tous les serviteurs, qui seront peut-être couchés et endormis « lorsqu’il reviendra à l’improviste, le soir, à minuit, ou au chant du coq ». Le « chant du coq », c’est très probablement une allusion au reniement de Pierre : cette phrase est une mise en garde : si vous n’êtes pas attentifs au jour le jour, il peut vous arriver de me renier sans y prendre garde.

3- Jésus prend soin d’étendre à chacun de nous explicitement l’appel à la vigilance : « Ce que je vous dis là, je le dis à tous : veillez ! ». La vigilance caractérise la mission de tout croyant au cœur de l’humanité. Il faut qu’il soit un veilleur, et par le fait même, un éveilleur, car il veille non seulement pour accueillir son Maître, mais aussi pour avertir ses compagnons de service, les arracher à leur sommeil, les inviter à se préparer à la rencontre. Notre mission rejoint celle que nous confiait Jésus dans l’Evangile du Jugement dernier : il s’agit non seulement de veiller, mais de veiller sur nos frères ; notre mission est de veiller sur la Maison de Dieu et d’y faire entrer tous les hommes.

4- Il faut donc que notre cœur soit enflammé d’un double désir. Le désir d’abord de voir le Maître revenir chez lui : « Reviens pour l’amour de tes serviteurs, soupire le prophète. Ah ! si tu déchirais les cieux, si tu descendais » (1ère lect.). Le désir ensuite de partager cette joie avec les autres serviteurs en les tirant de leur sommeil, afin qu’eux aussi puissent accueillir le Seigneur de gloire. Le secret de cette attitude de vigilance soutenue, c’est bien sûr l’amour de celui dont nous attendons ardemment le retour.

5- Cependant, si nous ne nourrissons notre désir de Dieu que du lointain souvenir de la première venue du Christ Jésus, nous renoncerons vite. L’amour certes donne de la persévérance ; mais l’expérience nous prouve que le désir même le plus ardent ne résiste pas à l’usure de l’attente. Le complément de réponse que nous cherchons pour comprendre le mystère de la fidélité de l’Eglise au long des siècles, se trouve encore dans la première lecture : « Tu es descendu – référence à la première venue ; mais le prophète Isaïe ajoute – « Tu viens – au présent – à la rencontre de celui qui pratique la justice avec joie et qui se souvient de toi en suivant ton chemin ». D’une manière mystérieuse mais bien réelle, Jésus anticipe sans cesse sa venue et répond dès à présent au désir de nos cœurs assoiffés.

Non, nous ne sommes pas seuls, malgré les apparences ou le sentiment qui peut nous envahir certains jours : le Seigneur marche avec nous sur notre route ; l’Esprit veille sur la flamme de notre désir, afin de nous préserver de la lassitude, du découragement, et finalement de la tentation de l’abandon. Jésus en effet a envoyé d’auprès du Père l’Esprit Saint, qui se joint à notre prière, mettant dans nos cœurs et sur nos lèvres le gémissement de l’Epouse : « Maranatha : viens Seigneur » (1 Co 16, 22 ; cf. Ap 22, 17).

6- « Veillez donc » : la vigilance à laquelle le Seigneur nous invite ne s’apparente pas à un regard qui scruterait une route désespérément vide, mais comme une attention particulière aux événements, aux personnes qui nous entourent, afin d’y discerner la présence de Celui qui s’est définitivement fait proche de nous dans la discrétion respectueuse de la charité.

« Veiller signifie suivre le Seigneur, choisir ce qu’il a choisi, aimer ce qu’il a aimé, conformer sa vie à la sienne ; veiller signifie vivre notre temps ici-bas dans l’horizon de son amour, sans se laisser abattre par les inévitables difficultés et problèmes quotidiens » (Benoît XVI).

7- Pour cela, il est indispensable de consacrer plus de temps à la prière personnelle, à ce dialogue du cœur à cœur avec Dieu, à ces moments où « Je me tais ; je l’écoute ; je l’aime » (Elisabeth de La Trinité) ; c’est-à-dire : « Je me tais pour écouter ta Parole, et y découvrir ta présence, qui me fera t’aimer ». Benoît XVI écrivait encore que « le but de l’année liturgique est de rappeler sans cesse les mémoires de l’histoire sainte, de réveiller la mémoire du Cœur afin de pouvoir discerner l’étoile de l’espérance. Voilà la belle tâche de l’Avent : réveiller en nous les mémoires des bontés de Dieu et ouvrir ainsi les portes de l’espérance ». Puissions-nous reprendre des forces dans cette Eucharistie que nous allons partager ; que la présence de Celui qui a voulu se faire notre Pain quotidien sur la route qui conduit jusqu’à lui, renouvelle notre foi, fortifie notre espérance et ravive la flamme du saint désir de sa venue définitive dans la gloire.