La question nous concerne tous : « Peut-on vraiment penser que le pardon est total lorsqu’on garde en mémoire les agissements passés de « l’autre » et que l’on adapte notre comportement, en prenant nos distances par exemple ?« .
Il est difficile d’effacer de notre mémoire les agissements des personnes, en particulier ceux qui nous ont fait souffrir. La question est plutôt : comment est-ce que je réagis à cette souffrance qui se réveille au souvenir de ce que j’ai vécu ?
Si, avec l’aide de la grâce, j’ai vraiment pardonné, alors la personne qui m’a fait du tort n’est plus un « ennemi » (non-ami), mais par la force du pardon (forme suprême de l’amour), elle est devenue tout au contraire l’objet d’un amour de prédilection. Je l’aime non pas malgré ce qu’elle m’a fait, mais en raison de ce qu’elle m’a fait, car seul l’amour peut désarmer le mal :
« Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien ! moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, il fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 5, 43-45).
Logiquement je ne vais donc pas fuir cette personne, mais au contraire lui manifester tout particulièrement mon amitié.
Telle est bien l’attitude préconisée par Jésus, lui qui disait :
« Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs. » (Mc 2,17).
Ou pour le dire avec les paroles de St Paul aux Romains :
« Alors que nous n’étions encore capables de rien, le Christ, au temps fixé par Dieu, est mort pour les impies que nous étions. Accepter de mourir pour un homme juste, c’est déjà difficile ; peut-être quelqu’un s’exposerait-il à mourir pour un homme de bien. Or, la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs » (Rm 5, 6-8).
Faut-il insister sur le fait que par nous-mêmes, nous sommes incapables d’adopter une telle attitude ? Seule la grâce divine peut accomplir en nous une telle conversion à l’amour…